Dans les réacteurs nucléaires tel que le tokamak, les matériaux sont soumis à des conditions thermomécaniques ou de rayonnement très importants. Dans la chambre à vide, un plasma de fusion est confiné par des champs magnétiques intenses pour éviter tout contact direct avec les parois. Mais ces matériaux doivent conserver leur fonctionnalité pendant des cycles assez longs. Les exigences sont nombreuses :
- aspect physique : compatibilité avec le plasma avec faible rétention du tritium
- aspect thermique : conductivité thermique élevée, stabilité à haute température et résistance aux chocs thermiques
- aspect mécanique : résistance élevée à l’érosion et grande ténacité à la rupture
L’utilisation de matériaux réfractaires pour protéger les parois des différents composants à proximité du plasma constitue l’un des principaux défis.
Le tungstène est considéré comme un matériau approprié en raison de ses propriétés avantageuses : haut point de fusion (3 422 °C), faible pression de vapeur, résistance élevée au fluage, résistance à haute température, bonne conductivité thermique, bonne résistance à l’érosion (par pulvérisation cathodique), faible perméabilité à l’hydrogène, faible rétention de tritium. Malheureusement, le traitement des surfaces des composants est compliqué par leur fragilité inhérente au tungstène (température de transition ductile-fragile élevée), sa mauvaise soudabilité et usinabilité, son coefficient de dilatation thermique différent de celui des aciers de ou sa susceptibilité à la croissance du grain et à l’oxydation au-dessus de 500 °C.
Tungstène et projection thermique
Le tungstène possédant une densité très importante de l’ordre 19,25 g/cm3, son usage sous forme massive implique un poids final d’éléments de structure très important. Pour éviter cette problématique, son usage en tant que revêtement a été très étudié : c’est le cas de la projection thermique depuis plus de 20 ans pour des couches épaisses avec ou sans gradient de composition, tout comme le procédé PVD pour réaliser des couches fines et denses de tungstène.
La projection thermique présente plusieurs avantages : la possibilité de revêtir des composants de grande surface avec des formes complexes, une possible réparation in situ des pièces, la réalisation de gradients de composition, l’apport de chaleur relativement faible aux pièces revêtues, un coût relativement faible et l’obtention de revêtements d’épaisseur élevée.
Le procédé Cold Spray a été testé mais il n’a permis que de créer de fines épaisseurs seulement avec un substrat « doux » en aluminium. Sur des substrats plus durs, seuls des incrustations ont été obtenues.
Pour réaliser une montée en épaisseur sur ces substrats plus durs, les gradients progressifs ont été testés avec une matrice de Cu, Fe ou Ta par exemple. Mais la finition 100% tungstène n’a jamais pu être obtenue.
Le procédé D-Gun est aussi utilisé pour faire des revêtements denses de tungstène mais qui ont une certaine oxydation.
Mais parmi les autres procédés de projection thermique, la projection plasma est actuellement la technologie la plus utilisée pour fabriquer de telles couches protectrices. Des essais par projection plasma atmosphérique sous air ont été réalisés mais la forte oxydation du revêtement limite son utilisation dans un réacteur.
Tungstène et VPS
La plupart des études sont menées avec des torches plasma sous vide/atmosphère contrôlée (VLPPS, LPPS, VPS/IPS) pour s’affranchir de l’oxydation du tungstène pendant la projection. Un des éléments importants est l’influence de la température du substrat sur la densité de la couche. En effet, une température supérieure améliore la liaison entre les particules fondues incidentes par une meilleure mouillabilité, diminuant alors la porosité et augmentant la dureté et la conductivité thermique. Cependant, le préchauffage du substrat implique une problématique de contraintes d’interface entre le substrat et le tungstène, notamment pour des fortes épaisseurs supérieures au millimètre. En effet, les coefficients de dilatation thermique mis en jeu sont assez éloignés entre par exemple l’acier EUROFER (12,7.10-6 K-1) et le tungstène (4,4.10-6 K-1). Le fait de préchauffer à des températures au-delà de 600°C pour améliorer la densité risque de fragiliser l’interface entre substrat et revêtement ; ce qui peut entraîner un risque de délamination en raison d’une contrainte interne plus importante. C’est pourquoi, l’application d’un concept de matériau à gradient de composition a été une solution adaptée. Ainsi les contraintes sont réduites et distribuées sur tout le gradient.
Malheureusement, le préchauffage à des hautes températures au-delà de 600°C n’est pas possible pour certains matériaux du substrat. C’est le cas des aciers dont la température ne doit pas dépasser les 400-450°C. En effet, au-delà de certaines températures, la composition et microstructure de ces matériaux évoluent. Leurs propriétés notamment mécaniques se détériorent. Par exemple il peut se produire la formation de précipités intermétalliques. La gestion température de substrat / densité du revêtement / paramètres du procédé est un défi permanent.
Notre activité
Les travaux menés par l’équipe s’intéressent au développement de revêtements à haut point de fusion, dont le tungstène. L’objectif est d’apporter une solution de faisabilité d’un revêtement dense et adhérent par projection thermique et notamment par plasma, à basse température de substrat (inférieure à 400°C) si nécessaire. Pour cela, nous nous appuyons sur nos installations permettant de travailler sous atmosphère inerte d’argon, sur une grande plage de pression (quelques millibar à la pression environnante). Également, la large gamme de torches plasma, notamment de conception à cascades / segmentées et modulables, permet d’aboutir à des résultats pertinents en qualité de revêtement.